Henri Cartier-Bresson a laissé derrière lui une œuvre qui résonne à travers le temps et s’établit dans un dialogue constant avec ses contemporains. La Fondation HCB est l’espace dédié à ce dialogue, où les cimaises invitent à la rencontre entre les écritures photographiques. Un espace grandissant, doté d’une nouvelle salle d’exposition de 100 m2, qui accueille pour quelques jours encore un chassé-croisé photographique entre Henri Cartier-Bresson et Martin Parr.
L’exposition s’intéresse à l’évolution des us et coutumes du prolétariat nord-anglais, sur la période des années 1960 aux années 2010 — ère de l’avènement de la grande distribution et du passage de la société de production à la société de consommation. D’un côté, le noir et blanc, caractéristique de celui que l’on surnomme l’Œil du siècle, et de l’autre, la “photo triviale” empreinte de cynisme de Martin Parr. Deux regards qui se tournent vers la classe ouvrière britannique, le travail industriel et la façon nouvelle dont les loisirs sont consommés et investis.
Si l’on se surprend à comparer les tirages, ceux d’Henri Cartier-Bresson pris dans les années 1962 pour les besoins du film “Stop Laughing : This Is England” réalisé par Douglas Hickox (restauré en 2021 par la Cinémathèque française) avec ceux de Martin Parr issus de son ouvrage “The Last Resort” (1986) et de sa série “Black Country Stories” (2010), c’est pour en apprécier les différences grammaticales mais c’est également pour constater l’essor du monde moderne qui tourne à plein régime, comme une grosse machine à l’obsolescence programmée. Les deux visions accompagnent une compréhension de l’aliénation de l’Homo consumens, tantôt critique, tantôt poétique.
Pour le reste, l’exposition survole le cœur du sujet, préférant se fonder sur une anecdote entre les deux photographes de l’agence coopérative Magnum : le désaccord rencontré lors de la candidature de Martin Parr à l’agence en 1989 (qu’il finit par rejoindre en 1994 quand Henri Cartier-Bresson cesse de s’y opposer). L’accrochage est présenté comme prétexte à la réconciliation de deux visions diamétralement opposées de la photographie, qui, comble de l’ironie finissent par se rencontrer sur une même thématique.
Une anecdote qui se veut centrale et qui relègue au second plan un sujet pourtant si riche…
“Henri Cartier-Bresson avec Martin Parr : Réconciliation”, à voir jusqu’au 29 janvier à la Fondation HCB, dans le IIIe à Paris.