Retour sur le VYV Festival Jour 2  [Interview : Pip Millett et Uèle Lamore, live report : Ibeyi, The Smile…]

Autant vous le dire, on a trouvé le gros point fort du VYV Festival : il nous permet de découvrir Dijon, une ville avec un patrimoine architectural et artistique grandiose où se nichent des quartiers populaires. Vous pouvez manger dans un Michelin (guide) pour un prix plus qu’abordable (20 balles par tête le midi) et tout le monde est absolument adorable. En résumé, Dijon a les avantages d’une grande ville sans ses inconvénients. On pourrait presque soupçonner un chauvinisme naissant tant on suinte d’emballement mais on vous jure que de notre arrivée à la gare à notre départ trois jours plus tard, on a croisé que des gens gentils. En se rendant à la Combe à la Serpent pour ce deuxième jour de festival, on a même entendu quelqu’un dire : « Dijon, c’est la ville la plus sous-cotés au monde ». Rien que ça !

Et sinon, la météo qui annonçait plein soleil pour ces deux jours de festivals, à votre avis sur-coté ? 

Jour 2

17 heures. Pluie, boue, repluie et le début du concert de Pip Millett qui romantise pas mal la situation, sa voix soul et ses good vibes nous font oublier l’orage qui approche. Surtout qu’elle nous interprète « Something ‘bout the rain, run away…», donc non, on ne compte pas s’enfuir, on va plutôt rester écouter la nouvelle voix soul et R’n’B qui irradie l’Angleterre. Et quelle pépite, le public fond ! Une fan absolue est au premier rang, elle récite absolument toutes les paroles de tous les titres interprétés par l’artiste : « Hard Life », « Make Me Cry », « Fancy », etc. C’est cool à voir, et ça nous met dans le bain pour passer en coup de vent à la scène de la Combe voir ce qu’il s’y passe. 

Pip Millett sur la scène du VYV Festival
Pip Millett au VYV Festival © Leïla Lakel
Pip Millett au VYV Festival
Pip Millett au VYV Festival © Leïla Lakel
Shame au VYV Festival
Shame au VYV Festival © Leïla Lakel

17 h 40. Le groupe de rock post-punk britannique Shame réunit l’énergie de dix groupes électrogènes, plus il pleut, plus ils enlèvent leurs fringues, le concert ressemble à un combat de titans, mais à en croire le public qui court pour se mettre à l’abri, on dirait bien que c’est le torrent qui ramène la coupe à la maison.

18 heures. Grand soleil. La météo est névrotique, ou bourrée, ou les deux. Bref, un mec hyper gentil (certainement un Dijonnais) nous invite à un « cocktail » situé dans l’espace presse et invités “la Terrasse”. Il s’agit d’un pot organisé par Yvon (filière du groupe VYV, mutuelle étudiante), du coup on ne sait pas bien ce qu’on fait là, mais les petits-fours sont pas mal. Le gars en question est développeur pour cette mutuelle et nous explique qu’ils ont un stand au festival, ajoutant que « Le VYV Festival permet un moyen de visibilité aux structures du groupe et que leurs stands proposent des activités vraiment sympa, type tatouage éphémère à l’encre naturel. » On essaient de faire le lien, le mec est vraiment sympa…. et c’est déjà trop tard pour qu’on s’aperçoive qu’on vient de lui faire une pub déguisée. Satanés petits-fours.

Le public au VYV Festival
Le public du VYV Festival © Flask
un festivalier au VYV Festival
Un festivalier © Leïla Lakel

18 h 30. On vous a pas dit ? Aujourd’hui au programme des entretiens, c’est Pip Milett et Uèle Lamore, deux artistes vraiment très surprenantes. Par exemple, Pip Millett à la voir, et si on juge hâtivement, on pourrait se dire que cette artiste de 24 ans qui a sortie son premier EP « Doing Well » en 2019 explore la chanson d’amour d’une voix douce. Et bien oui… mais pas que ! Cette artiste a la plume de Césaire, et quand elle parle d’amour, c’est profond, c’est poétique et métaphorique. On parle de sa voix comme d’un incontournable de la soul, n’hésitant pas à la comparer à Jorja Smith. De son côté, elle déplore : « J’ai plutôt l’impression qu’ils voient deux femmes métisses et qu’ils sont confus, ma voix et ma musique ne ressemble pas tellement à ce que fait Jorja Smith. » Sa singularité et la force de ses textes sont telles qu’on ne peut qu’être d’accord. Uèle Lamore nous met d’accord aussi, et pour vous la présenter, on doit nécessairement vous parlez de génie, car oui, elle est surdouée, mais aussi hyper à l’aise dans ses baskets, drôle et simple, un combo gagnant qui fait sensation quand on écoute sa musique. Et si elle est toujours sortie de sa zone de confort, sa formation de cheffe d’orchestre à Berklee est l’ossature d’une musique modelée à la stature des grands maîtres : trip hop-électro-fusion-rock-soul-classique, une musique incatégorisable, en plus d’une connaissance approfondie de tous les instruments. On les a retrouvées toutes les deux dans leur loge respective, afin de restituer une interview croisée, mettant en avant l’hybridité de leur musique et la singularité de leur proposition artistique.

Uèle Lamore en backstage
 au VYV Festival
Uèle Lamore au VYV Festival © Leïla Lakel

Interview

Quel est votre parcours ?

Pip Millet. Je suis née à Manchester, et j’ai grandi dans une famille où la musique tenait une place importante. En tout cas, mon frère et ma soeur sont tous deux musiciens, donc, j’ai baigné là-dedans. J’ai commencé la guitare et le chant à 14 ans, donc, ça m’a ouvert l’esprit, mais j’étais assez timide, aujourd’hui il semblerait que j’ai dépassé ça (rire), maintenant je suis juste calme.

Uèle Lamore. J’ai commencé par le violon, en éveil musical, puis j’ai fait de la guitare. Ensuite, je suis partie faire mes études à Los Angeles. J’ai intégré une université qui forme des musiciens de tournée et de studio dans laquelle je suis resté deux ans et demi et ensuite j’ai intégré Berklee pendant trois ans. Puis, je suis rentré en France, j’ai monté un orchestre avec lequel j’ai bossé pendant deux ans et j’ai aussi beaucoup travaillé avec le London Contemporary Orchestra, on a fait des collabs avec énormément de gens différents, de la musique de films pour la BBC, que du gros, gros level à l’anglaise. Et là, depuis deux ans, je me concentre sur ma carrière solo et sur la musique de films. C’est assez équilibrant, j’adore faire des concerts et des disques mais la musique de films, c’est un kiff. Et puis bosser sur son projet perso, c’est ultra nombriliste, alors que la musique de films, c’est un écosystème ou tout le monde a la même importance et le même rythme.

Fusion, hybridité, mélange, autant de qualificatifs qui définissent paradoxalement une musique si singulière, dans quelle mesure vos influences nourrissent votre identité musicale ? 

Pip Millett. Je pense que ma musique a été nourri par énormément d’artistes , Lauryn Hill, Bob Marley, etc. Et je crois que quand tu écoutes d’autres artistes, ça se retrouve naturellement dans ta musique, et les gens peuvent le ressentir. Après, ça reste ma propre identité musicale, je ne calque personne.

Uèle Lamore. J’ai toujours écouté vachement de musiques différentes, déjà du fait d’avoir une double nationalité (américaine et française), j’ai écouté plein de musiques anglo-saxonnes et américaines et beaucoup de musique d’Afrique car ma mère est africaine. J’ai mon identité musicale propre, je viens de l’époque des Strokes, d’Artic Monkeys, etc., et pendant mes études supérieures j’ai été amenés à étudier plein de styles différents, ça m’a ouvert l’esprit. Je pense que la musique, c’est un écosystème, il n’y pas un style qui soit mauvais. Par exemple, je connaissais pas le métal et je disais que j’aimais pas et quand j’ai découvert, j’ai vu qu’il y avait plein de choses hyper cool. Ce que j’aime faire avec ma musique, c’est faire un morceaux cool et pas chelou qui en même temps n’a jamais été entendu nulle part, j’essaye de faire des choses accessibles mais qui ne ressemble pas à X ou Y.

Votre rapport à la scène, au public ?

Pip Millet. Je pense que la scène et l’endroit le plus heureux où j’ai pu me trouver.

Uèle Lamore. Ce qui me fait trop plaisir, c’est les retours bienveillants. Je suis contente d’apporter une autre plante dans le jardin de la musique française (rire).

Et pour la suite ?

Pip Millett. Je prépare ma tournée britannique à la rentrée. Et demain, je vais à Lyon ! (pour l’Inversion Festival).

Uèle Lamore. Des nouveaux morceaux pour la rentrée, et des projets de musiques de films…

Si vous voulez découvrir ou redécouvrir ces deux artistes stratosphériques, Uèle Lamore présente « Loom », son premier album. Et pour suivre l’actualité de ses dates de tournée, c’est ici. Du côté de Pip Millett, elle débute son « UK Tour » en octobre et elle présente « Downright », un très beau titre sur la santé mentale. 

20 heures. Vous avez déjà assisté à un concert ou les artistes ont tellement de bonnes énergies que ça vous transporte sur un planète groovie et dansante ? Nous oui du coup, car on était au concert d’IBeyi et on a pu découvrir la version live de leur album « Spell 31 » ainsi que leur classique « River».

Ibeyi au VYV Festival
Ibeyi au VYV Festival © Leïla Lakel
Ibeyi au VYV Festival
Ibeyi au VYV Festival © Leïla Lakel
Ibeyi au VYV Festival
Ibeyi au VYV Festival © Leïla Lakel

21 heures. The Smile, ça vous dit un truc ? C’est un tout nouveau groupe de rock qui s’est dévoilé en 2021 et vient de sortir il y a quelques jours la version tangible de son premier album « A Light for Attracting Attention », enfin le groupe n’est pas si nouveau que ça vu qu’il se compose du chanteur et du guitariste de RadioHead : Thom Yorke et Jonny Greenwood ainsi que du batteur Tom Skinner du groupe de jazz Sons of Kemet. Et sur scène, en tout cas sur la scène du VYV Festival, on est obligés d’avouer que la magie n’a pas vraiment pris. Même si on salue la performance de ces monuments du rock, qui continue de proposer une musique toujours plus exceptionnelle et maîtrisée.

L’heure du bilan : Non, on n’est pas resté jusqu’à la fin et on n’a pas assisté au concert de Liam Gallagher, on est tout de même passé voir le live d’Uèle Lamore qui nous a confirmé son génie, mais on avait un train à prendre et des heures de sommeil a rattraper. C’est pas nous les rockeurs en même temps ! En tout cas, on repart avec des souvenirs plein la tête et les pieds ( les crampes, la boue..) et une impression aux notes joyeuses sur deux jours de festival qui, il faut le dire, a servi la corporation du groupe VYV mais aussi la collectivité d’une foule qui se meut ensemble. Et se mouvoir, ensemble, c’est beau ! Donc, on se retrouve l’année prochaine pour une 4e édition. À moins que, d’ci là, le gouvernement ne décide que la musique est dangereuse pour la santé. À la vôtre !

Spécial remerciement au laboratoire Photo Express de Dijon et à l’envoyé tout-terrain, artiste, intendant, photographe et multitâche à l’humour décadent : Flask.

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